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Cerro Torre
Cerro Torre est la « biographie » de l’une des plus belles montagnes de la terre. Déjà, dans son ouvrage dédié à la Patagonie[1], Buscaini personnifiait cette cime fascinante. Dominant les solitudes glacées du Hielo Continental, vaste étendue glaciaire qui s’infiltre dans l’échine dorsale des Andes, le Torre a fait sans doute tourner plus de têtes qu’aucun autre sommet d’Amérique du Sud. Ce n’est pas sa modeste altitude (3100 m) qui lui vaut une cour assidue des meilleurs grimpeurs, mais ses formes on ne peut plus provocantes : une flèche parfaite au sommet de laquelle s’est formée une excroissance ressemblant à du champagne congelé instantanément au sortir du goulot de la bouteille ; ou bien un minaret haut de quinze cents mètres, terminé par un bulbe digne ceux qui dominent les mosquées d’Orient. Kelly Cordes, comme d’autres amants de la Patagonie, est fasciné par le Torre et son histoire. Et il nous livre un ouvrage majeur. Il en existe peu consacrés à cette terre envoûtante, et les rares sont excellents : outre celui de Buscaini, il faut citer l’excellent « Patagonia Vertical » de Rolando Garibotti (bien plus qu’un topo). De plus, Cordes connaît bien le Torre puisqu’il l’a gravi en 2007 avec Colin Haley, par une voie nouvelle (A la recherche du temps perdu). Mais ce qui rend ce récit si attachant, c’est que Cordes l’a mené à la façon d’une intrigue policière, ce qui le rend passionnant, sans jamais se départir de son objectivité par rapport aux faits historiques.
Je dirais même mieux : en dépit de son opinion personnelle qui rejoint celle des acteurs principaux de l’histoire du Cerro Torre – à savoir qu’il est plus qu’improbable que Maestri en ai fait la première en 1960 – Cordes ne se départit jamais d’une certaine bienveillance envers ces vieux messieurs que sont devenus Maestri et Fava, et qui sont probablement prisonniers de leurs mensonges. Ce serait trop beau si le bobard était seulement l’apanage des guignols de la montagne, l’histoire récente prouve hélas qu’il n’en est rien. Cerise sur le gâteau, Cordes émaille son enquête d’anecdotes aussi savoureuses qu’amusantes et de nombreuses pointes d’humour. Entre autre, réalisant la chance d’obtenir une interview du King, il écrit : « Avoir Messner (pour une interview ou) lors d’un festival de montagne, c’est comme avoir les Rolling Stones qui viennent jouer pour son anniversaire. » Aussi, si j’ai un conseil à vous donner, plongez-vous dans ce livre, le seul risque est d’avoir du mal à le quitter.
Cerro Torre (une chronique de l’alpinisme et des polémiques au Cerro Torre) par Kelly Cordes
Barney Vaucher
A commander aux Editions du Mont-Blanc ; px : 29,90 € TTC - ISBN : 978-2-36545-031-7
[1] Les orgues de Patagonie ; Sylvia Metzeltin & Gino Buscaini (Glénat 1987)